Comment nous sommes biaisés par notre cerveau

24 May 2019 Off By M

… et petits conseils assortis

Un biais cognitif est une distorsion dans le traitement que fait notre cerveau d’une information, pouvant conduire à des erreurs de raisonnement, de jugement, de mémoire, de perception, etc. Il entraîne la plupart du temps un biais comportemental, c’est à dire un comportement inadapté à une situation donnée. Après réflexion, la personne peut se rendre compte qu’elle a agi de manière irrationnelle.

Ces biais sont fréquents parce qu’ils sont peu coûteux en énergie et qu’ils nous aident à rester cohérents avec nous-mêmes au quotidien. En gros, nous passons notre temps à sélectionner et trancher de manière à nous faciliter la vie.

Le problème apparaît lorsque nous nous retrouvons à naviguer joyeusement dans la mauvaise direction. La solution se trouve a posteriori dans notre capacité à nous en rendre compte à temps. Etre sceptique c’est prendre en considération leur existence avant de se prononcer sur quoique ce soit. C’est douter aussi de ses propres mécanismes de pensée. C’est reconnaître qu’on rame ! Qu’on s’est planté de chemin (erreur), ou qu’on a juste un peu dévié (biais).

Le Petit guide exhaustif des biais cognitifs, traduction en français du site Cognitive bias cheat sheet d’un papa en congé parental qui a eu le temps de répertorier pas moins de 175 biais pour en sélectionner 20 correspondant à 4 catégories de biais.

En voici quelques uns des plus courants et trompeurs :

1- Le biais de confirmation

Ou biais de confirmation d’hypothèse : tendance à favoriser une idée (une hypothèse) initiale tout en rejetant les informations (les preuves) qui lui sont défavorables.

[1]

Pourquoi avons-nous cette tendance à aller rechercher ce qui vient confirmer ce que l’on pense déjà et à ignorer ce qui pourrait le contredire ? Tout simplement parce que nous aimons bien avoir raison. C’est un euphémisme ! Nous adorons tellement avoir raison que nous sommes prêts à abandonner la vérité au profit de ce fabuleux sentiment.

Mais au-delà de ça nous cherchons (ou plutôt c’est notre cerveau qui le fait pour nous) à nous économiser en effort et en temps. Il n’y a à première vue aucun intérêt à chercher la contradiction de nos propres idées dans la mesure où elles sont cohérentes, qu’elles ressemblent à ce qu’on connaît déjà du sujet et que cela fait référence à notre expérience. Tout va bien, encore mieux si une personne faisant autorité dans le domaine vient appuyer notre croyance.

Où est le problème, me direz-vous ? Cela paraît tellement évident d’aller dans le sens de ce que l’on croit. Par exemple, si je veux savoir s’il est vrai qu’utiliser les fleurs de Bach peut réduire mon stress, je vais trouver plein de références sur internet qui vont aller dans mon sens. Est ce que cela va pour autant me prouver que cela réduit effectivement le stress ? Et bien non, cela va juste me conforter dans le fait que j’ai de bonnes raisons d’y croire. C’est là que se trouve le biais. Nous bifurquons en suivant les mauvaises flèches !

Que faire pour ne pas se tromper :

  1. Ne pas confondre vérifier ses idées sur les faits avec vérifier les faits eux-mêmes. Votre moteur de recherche internet ne vous montrera pas la même chose en fonction de ce que vous lui demanderez de chercher. Dans un cas, vous trouverez une liste d’articles allant dans votre sens (cette méthode a un effet bénéfique sur le stress), dans un autre cas (vérifier les faits) en rentrant : “étude fleurs de Bach”, vous tomberez sur une étude critique en première réponse.
  2. Au lieu de vérifier que son hypothèse est vraie il faut avant toute chose chercher à vérifier qu’elle est fausse. Recherchez le contre-exemple ! C’est le principe de réfutabilité sans lequel la science aurait toujours fait fausse route parce que les scientifiques sont des personnes comme les autres, dotés d’un cerveau trompeur.
  3. Tester son hypothèse en conscience. Pour cela il faut faire un effort d’attention car comme vous l’aurez compris, lutter contre ce biais est contre-intuitif. Pour certaines choses cela n’est pas si important et peut même vous indiquer, par chance, le bon chemin mais ne misez pas là-dessus pour ce qui concerne votre santé. Prenez le temps, il est parfois plus coûteux de faire demi tour que de bien regarder en amont où l’on va.
  4. Etre honnête avec soi-même au maximum. Il se peut que vous n’ayez pas très envie de vous confronter à la réalité pour certaines choses qui remettraient en cause votre systèmes de valeur et de pensée. Mais en ce qui concerne vos petites hypothèses sans prétention, pensez aux points 1,2,3 !

2 – L’illusion de corrélation

On l’appelle aussi corrélation illusoire. C’est le biais ou la croyance qui consiste à faire des liens de corrélation entre deux évènements ou phénomènes alors qu’il n’y en a pas ou très peu.

Mis en évidence par Chapman, 1967 [4]

Ce sont des conclusions sans fondement, des interprétations sauvages. Beaucoup de nos croyances sont basées sur cette illusion de corrélation. Un exemple typique est de croire que la lune a une influence sur les naissances, il a été démontré que cela était faux. Vous avez du mal à le croire ? Jetez un petit coup d’œil ici !

Même si vous avez confirmé maintes et maintes fois votre croyance, à la lumière de témoignages en veux-tu en voilà, de votre propre expérience ou même parce qu’un tel spécialiste a dit que c’était vrai, et bien cela ne prouve rien. Vous êtes en train d’activer les deux biais que je viens de vous citer plus haut mais aussi de faire d’autres erreurs de logique.

3 – La confusion entre corrélation et causalité

Une corrélation est un rapport existant entre deux choses, deux notions, deux faits dont l’un implique l’autre et réciproquement. (CNRTL)

La causalité est le rapport de cause à effet entre ces deux choses.

La confusion qui est faite avec la simple corrélation est d’attribuer le lien de causalité à des choses qui sont simplement corrélées, c’est à dire qui apparaissent ensemble et c’est tout. Or ce n’est pas parce que deux phénomènes évoluent conjointement ou sont présentes en même temps qu’ils ont nécessairement un lien de cause à effet. En général, il faut introduire d’autres facteurs pour éviter des conclusions absurdes.

Par exemple, si vous observez que lorsque les grenouilles se mettent à coasser, la pluie arrive (deux phénomènes conjoints), cela ne veut pas dire pour autant que les grenouilles amènent la pluie (causalité). Ce sont juste deux phénomènes qui sont corrélés.

Cela paraît évident vu comme cela. Mais je vous assure que pourtant nous passons notre temps à faire ce genre d’erreur sur des phénomènes de la vie de tous les jours. Sachant que parfois on tombe juste bien sûr parce qu’il y a vraiment un lien de cause à effet. Je lâche un caillou, il tombe par terre. C’est tout le temps pareil, on en a fait une loi universelle.

Notre erreur c’est de supposer que parce que souvent deux phénomènes corrélés ont un lien de causalité, alors c’est la même chose dans tous les cas.

Méfiez-vous quand vous vous entendez dire “à chaque fois que… il se passe cela”. Cela ne veut pas dire que le premier phénomène a entraîné le deuxième.

Exemple : A chaque fois qu’il y a la pleine lune je dors mal. Cela ne dit rien sur l’action directe qu’aurait la lune sur mon sommeil.

Avant de faire un lien de cause à effet entre deux phénomènes vous devez d’abord poser la chose sous forme d’hypothèse et non de conviction. Vous éviterez du même coup ce fameux biais de confirmation.

  • Trouver les contre-exemples (toutes les fois où vous avez bien dormi à la pleine lune)
  • Chercher les autres explications plus probables et plus simples (auto-conditionnement à l’influence de la lune, trop de lumière dans votre chambre la nuit, etc)

4 – Le coût irrécupérable

Imaginez que vous attendez à la caisse d’un supermarché, ça fait un petit moment, c’est long, il y a de plus en plus de gens derrière vous. Et puis d’un seul coup une caisse se libère juste à côté. Qui va se précipiter en premier ? Les gens devant vous ou ceux qui sont tout derrière ?

Autrement dit, ceux qui ont investi le plus de temps à rester dans la file d’attente ou ceux qui viennent d’arriver ? ça ne se lâche pas comme ça un investissement, même s’il ne vaut plus rien.

L’effet de coût irrécupérable (ou sunk cost) se manifeste par une plus grande tendance à persister une fois qu’un investissement en argent, en efforts ou en temps a été fait.

[6]

Méfiez-vous de cette erreur de jugement, elle vous fait perdre plus que ce que vous pensez. En croyant faire un bon choix, pour ne pas gaspiller, vous gaspillez encore plus ( de votre temps, de votre énergie, de votre argent). Et oui c’est dur d’abandonner ce que l’on a cru être rentable !

  • Rendez-vous compte que ce qui est perdu est perdu et que persister dans votre erreur n’y changera rien.
  • Mettez en balance ce que vous avez définitivement perdu et ce que vous pouvez perdre encore plus si vous continuez quand même sur votre lancée.
  • Faites une pause pour faire le deuil de cet investissement et de ce en quoi vous avez cru et qui n’a pas abouti.
  • Relativisez quand même si le coût n’était pas si grand au final, ce qui est le cas la plupart du temps.

Références

  1. Ewa Drozda-Senkowska, (1997). Les pièges du raisonnement.
  2. Michael B. Wolfe, (2017). Metacognitive awareness of belief change – The Quarterly Journal of Experimental Psychology
  3. Jason Rajsic, Daryl E. Wilson & Jay Pratt (2017) The price of information: Increased inspection costs reduce the confirmation bias in visual search, The Quarterly Journal of Experimental Psychology
  4. L.J. Chapman et J.P. Chapman, « Genesis of popular but erroneous psychodiagnostic observations », Journal of Abnormal Psychologyvol. 72, no 3,‎ 1967, p. 193–204 
  5. Dubois, Nicole, et François Le Poultier. « Chapitre 7. Norme d’internalité et corrélation illusoire », Jean-Léon Beauvois éd., Perspectives cognitives et conduites sociales (VI). Delachaux et Niestlé (programme ReLIRE), 1998, pp. 149-182.
  6. Arkes, H. R., & Blumer, C. (1985). The psychology of sunk cost. The Organizational behavior and human decision processes, 35(1), 124-140.